Marie-Noëlle GONTHIER

Marie-Noëlle GONTHIER

Marie-Noëlle Gonthier vit et travaille dans la Drôme. Elle se forme à l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon où elle apprend d’abord la gravure, puis se consacre ensuite au collage. De 1996 à 1998, elle est en résidence à la Casa Velazquez, à Madrid.
Aujourd’hui le collage laisse place à des « matières  picturales » de jus colorés et de pastel. Avec la série des Livres d’Heures, des figures naissent des fonds aux couleurs raffinées évoquant les fresques de Giotto. Un peu plus tard, des lignes d’horizon apparaissent, partageant l’espace entre collines ou étendues d’eau et le ciel immense; ce seront les paysages des Terres d’ombre, Matins du monde et Matinaux.
Marie Noelle Gonthier aime aussi recueillir par frottage les belles énigmes inscrites dans la texture du bois ou le grain de la pierre. 

Voir le blog de Marie-Noëlle Gonthier: 
www.marienoellegonthier.wordpress.com

Crédits photo A.F. Hamon


Principales expositions :

2023  Galerie Mirabilia, Lagorce

2022 
Galerie du Tournant, Lac d'Aiguebelette; Galerie Artenostrum, Dieulefit

2021 
Galerie Mirabilia, Lagorce,  "oeuvres Multiples"; Librairie Chant libre, Montélimar

2019 
Librairie-galerie L'Arbre vagabond, Le Chambon sur Lignon;
          L'Orangerie, Montéléger; Galerie Mirabilia, Lagorce: oeuvres multiples

2018  Galerie Artenostrum, Dieulefit; Chateau de Verchaüs, Viviers

2017  La Voie du paysage, Galerie Mirabilia, Lagorce

2018  Galerie Louisa Rampon, Mirmande

2016  Librairie Le chant de la terre, Pont Saint Esprit

2015  La Grande galerie, Savasse; Université Populaire, Montélimar

2014  
Galerie Le Tournant, Lac d'Aiguebelette; Espace Arts plastiques, Mairie de Saint-
           Vallier (26240)

2013
  Hotel de Clérieu, Romans; La Maison de Brian, Simiane la Rotonde;
          Librairie Le Chant de la terre, Pont Saint Esprit;  Galerie Artenostrum, Dieulefit;  
          Galerie Mirabilia, Lagorce

2012  Galerie Mirabilia, Lagorce; Galerie Artenostrum, Dieulefit; Eglise romane, Jaillans

2011
Galerie Artenostrum, Dieulefit

2010
Maison de la tour, Valaurie ; Palais Delphinal, Saint Donnat, à l’occasion du
         festival Bach ;Espace Aragon, Villard-Bonnot ;
         La galerie du Temple, Saint Germain de Calberte, Lozère

2009 Galerie Artenostrum, Dieulefit

2008 Chapelle Chabrillan, Montélimar; Galerie Artenostrum, Dieulefit
         Fondation Carzou, Manosque

2007 Château de Vogüé, Ardèche ; Eglise Saint-Paul, Darmstadt, Allemagne ;
         Galerie Mirabilia, Lagorce ; L’Auberge des arts, Givors

2006 Galerie Françoise Souchaud, Lyon ; Galerie Artenostrum, Dieulefit

2005 Centre d’art contemporain, Mourenx; Galerie Mirabilia, Lagorce

2004 Galerie Taoa, Crest

2003 Galerie du Larith, Chambéry ; Galerie l’œil écoute, Lyon

2001 Galerie Véronique Smagghe, Paris ; Caveau de Montine, Grignan ;
         Fabrique du Pont d’Aleyrac, Saint-Pierreville, Ardèche

2000 Médiathèque, Montélimar ; Maison de la tour, Valaurie

1999 Galerie Véronique Smagghe, Paris ; Galerie du Théâtre de Privas;
         Conseil Général de la Corrèze, Brive

1998 Médiathèque, Montélimar ; Casa de Velazquez, Madrid; Villa Lemot, Clisson

1997 Musée Pierre André Benoit, Alès ; Saga, Paris ; Casa de Velazquez, Madrid;
         Galerie des Teinturiers, Avignon; Elac, Lyon

1996  Salon des réalités nouvelles, Paris; SAGA, Paris

1995  SAGA, Paris; Chambre de commerce, Périgueux

1994  Conseil Général de la Drôme, Valence; Galerie Véronique Smagghe, Paris

1993  Galerie Angle, Saint-Paul-Trois-Châteaux; Galerie Smagghe, Paris
          Galerie Lescot, Paris; Conseil Général des Alpes de Hautes Provence, Digne

1992  Musée Ingres, Montauban

1980  Elac, Lyon

 

BOURSES

1996/98 Madrid – Casa de Velazquez
1995 Conseil Général de la Drôme – « De l’esquisse à l’œuvre »

EDITION Livres d’artistes

2019 « Verger » - Edition Unes – Texte Cédric Le Penven
2017 « Erres »
2005 " Livre d’Heures " I, II, et III " Litanies "

2004 " Délit d’entrave " - Editions Henri Lefèbvre
2002 " Encres " - Editions du Hanneton – Textes Alain Borne
2000 " Les carnets d’Emeline 2 " - Editions Cafoutchi – Textes Didier Henry

 

Textes 

La peau du monde
 / Jean Planche, 2021

Un palimpseste de la vie intime des arbres et des pierres, selon Marie-Noëlle Gonthier

Sous les belles voûtes de l’espace d’exposition de la librairie-galerie Chant libre, à Montélimar, un lieu fortement habité, Marie-Noëlle Gonthier présentait récemment de grands frottages, obtenus à partir d’écorces d’arbres ou de pierres bouchardées. En guise de commentaire, elle affichait un extrait d’un texte de Jean-Christophe Bailly, magnifique d’ampleur et de pertinence. Elle avait conservé cette citation, qui l’avait marquée au temps de ses études aux Beaux-Arts de Lyon, contribuant à susciter une pratique qui s’est maintenue, jointe à celle du collage et en plus de la peinture, de la gravure (sur lino récemment), ou parfois, en des lieux propices, à des installations.

Mais n’est-il pas incongru de parler d’ « installation » pour telle traîne de Mélusine dont les écailles sont des fragments d’écorce savamment disposés, suggérant une analogie entre la fée serpent et l’arbre dont elle pourrait être née. Ou bien pour cette bannière semée de pétales de coquelicots? Les frottages parfois participent aussi de cet enchantement. Lorsque par exemple ils deviennent, par le recours à l’or dont la lumière les illimite et les amène au sacré, des Mandalas où les cercles de croissance d’un tronc tranché se transforment en labyrinthe. Ces coupes feront ailleurs apparaître la face de quelque planète errante ou celle d’un être à jamais inconnu.

Toujours, c’est un choix de l’instant, une rencontre, qui conduit à élire telle écorce ou telle dalle. Comme si le végétal ou le minéral accédait par cette élection à une manière d’individualité. En un point de jonction où sa participation à un règne, à l’espèce à laquelle il appartient, se soumet à l’écart par quoi, poussé par une suite de hasards qui l’ont déterminé et se sont inscrits dans ses lignes de vie, il devient unique.

Si l’on peut plus d’une fois, avec les travaux de Marie-Noëlle Gonthier, songer à cette théorie des «signatures » qui eut tant d’importance au Moyen Age, une telle quête de l’individu, du sujet, ainsi qu’on désigne aussi un arbre, infléchit notablement la recherche, lui donnant sa modernité.

La citation de Jean-Christophe Bailly avait été longtemps conservée, mais ne comportait pas d’indication de sa source. Je pus néanmoins retrouver celle-ci, un opuscule consacré à Max Ernst et publié en 1976 par les éditions Etrangères et Christian Bourgois, où le texte de Bailly était encadré par ceux d’Henri-Alexis Baatsch et d’Alain Jouffroy. Jean-Christophe Bailly rappelait en particulier le hasard qui avait entraîné la découverte par Ernst, le 10 août 1925, du procédé du frottage : « Me trouvant par temps de pluie dans une auberge au bord de la mer, écrit Max Ernst, je fus frappé par l’obsession qu’exerçait sur mon regard irrité le plancher, dont mille lavages avaient accentué les rainures. »

Surtout, Bailly a cette définition impressionnante de précision (son texte s’intitule d’ailleurs « L’Enigme de la précision », en une formule dont la portée reste encore à explorer) : « Le frottage est une expérimentation concrète, passive, émerveillée de l’instant. »

Certes on retrouve là le moment de l’obsession évoquée par Max Ernst, mais chez ce dernier les « signes venus du passé », les « références », reviennent et se redistribuent. Le peintre reste auprès de « ses images, ses repères, et sa nuit ». Les peintres du passé que nous choisissons « viennent en effet toujours vers nous, énigmatiques, morts, puissants, secrets ».

Les peintres du passé sont présents aussi dans l’oeuvre de Marie-Noëlle, à cent lieues pourtant de celle de Max Ernst, mais plutôt dans la part où elle adopte une autre technique où il s’est illustré, le collage. On le voit avec des ouvrages de petit format intitulés Matinaux, où des lambeaux de papier peint récupérés sur les murs d’une cité abandonnée composent des paysages qui ne sont pas sans évoquer des peintures ou des fresques du Quattrocento, siennois tout particulièrement.

Ces Matinaux réintroduisent l’horizon. De nouveau, le ciel se sépare de l’étendue terrestre (« La perspective, dit Bailly, reste l’estuaire le plus profond que l’homme ait su ouvrir dans la réalité de son espace »). Nous sommes là dans l’orbe de la Renaissance, et de Vinci, dont on cite les Carnets : « Si tu regardes les murs souillés de beaucoup de taches tu y verras l’analogie de paysages au décor de montagnes, rivières, rochers, aussi des figures aux gestes vifs et visages... que tu pourras ramener à une forme nette et complète... »

 Au contraire, les Matinaux jouent de l’indécision des formes et de l’inachèvement pour accroître leur puissance de suggestion. Mais cette suggestion même recrée une tension, essentielle, entre la peinture et le monde. « La peinture - un tableau ou tous les tableaux - reste un écran », « le monde garde pour lui seul le gai privilège de la réalité".


« Il nous faudrait enfin la force, l’innocence, d’envisager les tableaux, les poèmes, les opéras même, comme des événements naturels. Nous ne perdrions jamais de vue ainsi la violence du lien originel noué au moment où nous les rencontrons - au détour du chemin, ils sont surprenants comme les pierres. »

Le frottage tel que le conçoit et le pratique Marie-Noëlle Gonthier s’inscrit dans cette tentative de réduction de la distance dont le moment crucial demeure la rencontre, l’instant de la trouvaille qui se prolonge d’un travail de relevé effectué « avec l’attention exercée de qui sait coudre et découdre une peau ». De « l’instant qui nous boit », du « contact » avec le vivant, naît un regard à vif, « irrité ».


Les grands voilages obtenus par Marie-Noëlle à partir de larges pierres ouvrent à un infini dont on ne saurait dire s’il est moléculaire ou céleste, mais dont on doit reconnaître qu’il nous laisse sans prise. On y rejoint ce que Bailly recommande à qui scrute les cieux : « En se perdant dans la nuit qu’il observe, l’astronome devrait concevoir sa différence, celle du guet, et sa complicité avec l’univers. »


 « Nageur aveugle », le dessin se cherche dans l’élémentaire. Je suis l’autre, avec qui je m’identifie.

 

Sous le ciel du figuier / Jean Planche

Marie-Noelle Gonthier, qui apprit d’abord la gravure, s’est ensuite adonnée essentiellement au collage. Mais c’est pourtant à la frontière entre celui-ci et ce qu’on nomme la peinture que s’ouvre sa recherche. Dans un grand trouble de la sensation et de la pensée.
Il est remarquable que la plupart de ses collages ressemblent de manière confondante à des peintures, somptueusement, méticuleusement ouvragées. Comme une inversion du trompe-l’œil (ou du trompe-l’esprit), un matériau venu du « réel », une bribe du quotidien, imite la peinture et participe de son pouvoir d’illusion. Le collage est alors comme un détour, rendu nécessaire par notre fatigue de modernes devant la répétition des images, pour redécouvrir l’être étonnant qu’est un tableau.
Une étape importante fut la venue de ces suites d’œuvres en carrés de petit format que Marie-Noelle Gonthier a nommées Livres d’heures. Il y apparaissait à la fois et dans le même mouvement des figures et un espace. Des figures à l’individualité naissante qui prenaient soin de se tenir en deçà de la représentation et du reconnaissable, pour rester en puissance d’elles-mêmes. Un espace qui n’était que l’aube d’une profondeur tout en se souvenant du mur : un espace signifié, proche en cela comme en la sensualité de son grain des fresques de l’Angelico, de Giotto et de quelques autres.
Alors c’est en toute logique, une logique où s’articule le corps même de la peinture, que sont nées ensuite les Elégies, de grands tableaux où se joint à un champ de nudité un soubassement où nous avons vu une prédelle, semblable à celles formées de tableautins racontant une histoire que l’on trouve dans les retables de haute époque. Les figures, le récit, le temps, et le pur chant de l’espace.
Avec la série concomitante des Terres d’ombre, la ligne de partage n’est plus entre l’espace et les figures mais entre le ciel et la terre, tout simplement, si l’on peut dire, puisque de leur séparation ne naît rien de moins que le monde. Et le paysage, à partir de ce qui nous vient du plus loin, l’horizon. La ligne d’ombre que dessine celui-ci est rétablie dans ses prestiges essentiels : elle unit cela même qu’elle sépare. A travers un chemin de lueurs que les paysagistes hollandais du dix-septième siècle surent redécouvrir, avec la présence que la justesse infinie des intensités fait se lever dans la pénombre, ainsi qu’elle apparaissait sous le pied de l’ange de l’Annonciation de Vinci conservée aux Offices à Florence.





ŒUVRES DE Marie-Noëlle GONTHIER